Hello à tous ! En cette veille de « presque-rentrée », je voulais vous faire part de mon témoignage concernant le stage officinal. Plutôt que de vous faire une liste des matières et de prendre un air blasé en prétendant que tout est nul, je vais vous parler de quelque chose de concret et de réel !
La 2e année de Pharmacie comporte un stage officinal d’une durée de six semaines. La période de stage est définie par la faculté. Il s’agit d’un stage en continu, de 35h par semaine. Vous devez trouver une officine parmi la liste des maîtres de stage agréés. Donc, si votre pharmacie habituelle n’est pas sur cette liste, il est inutile d’y postuler ou de demander une dérogation : le titulaire n’a pas l’agrément (ou ne souhaite pas l’avoir).
En théorie, durant ce stage, vous ne devez pas servir d’ordonnances au comptoir. En revanche, vous êtes tenus d’apprendre :
- des posologies (honnêtement, lorsqu’on trouve la méthode c’est facile, sérieux)
- des plantes (oui, encore une reconnaissance)
- des produits galéniques et chimiques (on ne sent pas l’ammoniaque à plein nez sinon on pleure de douleur, je parle d’expérience)
- de lire votre guide de stage rédigé par le Conseil de l’Ordre (il est court, genre 110 pages)
Votre travail concerne donc essentiellement « la découverte de l’officine ». Avant de vous parler de ma propre expérience, qui peut sembler d’ailleurs un peu incroyable, je vais lister ce que vous allez très certainement faire en six semaines :
- ranger des médicaments et ne pensez pas que c’est un travail ingrat et que après avoir passé votre concours vous n’avez pas à réviser votre alphabet ! Certes c’est le travail « de base » mais il est super important. Et c’est de loin le meilleur moyen pour retenir la correspondance entre princeps et générique.
- vérifier le stock des produits, selon moi c’est LA PUNITION, mais vraiment ! A côté ranger des boîtes c’est juste la fête croyez-moi !
- apprendre vos posos, plantes, produits, dans l’espace de travail dont la pharmacie doit disposer (entre nous, vous prenez discrètement un livre si ça vous pète la tête)
- regarder au comptoir, observer, sourire, dire bonjour, dire au revoir, être aimable, bref dès que vous êtes au comptoir vous êtes plus polis qu’avec vos beaux-parents !
- découvrir avec émerveillement la RecoBox, alors là attention normalement c’est votre officine qui doit l’avoir (sinon pas d’agrément !) afin de vous permettre de bosser vos plantes et produits
- gérer les promis, c’est-à-dire les médicaments commandés que les patients viennent chercher l’après-midi ou le lendemain
Il ne s’agit certainement pas d’une liste exhaustive, mais ce sont les principaux thèmes que vous aborderez lors du stage, quelque soit votre officine. Certains de mes amis ont été mis au rangement durant six semaines, je ne vous le souhaite pas !
Concernant mon témoignage, si vous n’avez pas le courage de lire le pavé qui va suivre, je vous résume très vite mon impression :
j’ai adoré ces six semaines !
Je suis allé dans une Pharmacie du 13e arrondissement, dans le quartier chinois. Autant le dire tout de suite : je ne parle pas un mot de mandarin ! Si je me débrouille aisément en anglais, il est inutile de me demander quoi que ce soit d’autre.
Petite structure donc peu de personnel, en résumé : le titulaire (mon amour), une pharmacienne adjointe (le pilier), un stagiaire de 6e année (qui a rempli un rôle de mentor auprès de moi), une rayonniste (qui parlait chinois), une préparatrice en apprentissage (qui délivrait comme une ouf c’était incroyable).
Et moi, petit greffon très soucieux de prendre et de m’intégrer.
Très franchement, le plus dur, c’est de trouver sa place. C’est ultra flippant de se retrouver du jour au lendemain dans le milieu « professionnel ». On quitte les bancs de l’amphi où on fait le zouave, on quitte les TPs où on fait le con dès que le prof à le dos tourné et on se retrouve devant de vrais pharmaciens qui font leur métier. Je craignais tellement de ne pas être à ma place que j’en ai fait des cauchemars terribles où les catastrophes s’enchaînaient par mon seul fait. C’est très dur de se faire un trou dans une équipe déjà rôdée qui doit faire tourner un commerce et s’occuper de patients parfois très délicats.
Mais, rassurez-vous, si moi, petit grimaud immature et émotif est parvenu à faire de ce stage une véritable expérience, alors vous, vous y arrivez sans peine !
Bon, mon officine était loin d’être une officine classique. L’ambiance était vraiment très baba cool, à l’image du patron.
Ouverte du lundi au samedi, de 9h-13h et 14h-20h (le titulaire voulait « déjeuner tranquille » selon ses propres mots), je travaillais 34h réparties sur 3,5 jours : 10h mardi, 10h mercredi, 10h jeudi (là je commençais à demander grâce) et 4h le vendredi (j’ai fait péter l’heure de l’après-midi, ça servait à rien, j’en ai parlé au titulaire dès la deuxième semaine qui était de mon avis).
En principe, le titulaire de la pharma est votre « maître de stage ». Il va rédiger une appréciation sur vous et vous attribuer une note. Ce qui veut dire : on ne se le met surtout pas à dos, mais surtout pas ! On est aimable, poli et déférent et ça passe tout seul. ^^
La première semaine j’ai essentiellement observé, souri, donné des sacs en plastique pour ranger les médicaments, fait une préparation (mélange de poudres attention !), découvert les princeps et les génériques (« oh mon Dieu Amoxicilline est le générique que Clamoxyl ! », découvert les formes pharmaceutiques (« purée y’a des collyres, des solutions buvables, des comprimés, des comprimés effervescents, des pommades, des gélules, des injectables, des sachets ! ») et j’ai eu mal aux pieds.
Je plaisante pas hein. J’ai voulu faire genre pour mon premier jour et je me suis ramené avec des chaussures en cuir. Oh que j’ai regretté dès le milieu de la journée ! Impossible de tenir debout comme ça pendant 10h. Sérieusement, venez avec vos baskets pourries qui font pas mal, cherchez pas à faire le beau comme moi. >< Vous allez devoir être debout très longtemps, préparez-vous !
Et lors de la deuxième semaine, après m’être familiarisé avec l’officine, j’ai délivré mes premières ordonnances. Je me souviens encore de mon maître de stage qui me prend à part, un matin : « tu vas délivrer, ça rendra service ! ».
Et BIM, go to the comptoir avec zéro expérience ! Ok, j’exagère, on m’avait montré comment marchait le logiciel WinPharma (homologue de LGPI) mais c’était tout. Et me voilà en train de délivrer mes premiers sachets de Kardégic !
Evidemment, je montrais toujours ce que je délivrais à un des pharmaciens histoire d’éviter les bêtises. Il faut vérifier le dosage (et lorsqu’il n’est pas indiqué, tu appelles le médecin ou chirurgien-dentiste et tu t’éclates à lui expliquer que non son ordonnance n’est pas complète, croyez-moi c’est encore du vécu), calculer le nombre de comprimés, vérifier la forme, les interactions éventuelles… Et j’en passe. Si c’était très gratifiant de pouvoir ainsi délivrer des ordonnances, j’étais également obligé de constater mon ignorance crasse à chaque fois.
Durant les six semaines, j’ai dû délivrer près d’une centaine de prescriptions. Et autant dire que j’ai tout vu, du simple petit médicament (doliprane) à l’ordonnance du diabétique avec ALD qui part six mois à l’étranger. Et là, tu sors le chariot pour tout mettre parce que ça en finit pas ! Tu te trouves avec 40-50 boîtes énormes et tu répartis ça dans les sacs comme tu peux, submergé.
Délivrer n’est pas très difficile en soi. Attention, je ne dis pas que c’est simple et qu’avec un bac+2 tout juste acquis on peut le faire de manière professionnelle ! Mais une fois que vous savez où trouver les produits et que vous connaissez la plupart des médicaments prescrits, « ça va ».
Dans notre officine on rangeait pas princeps, il fallait toujours avoir en tête la correspondance avec le générique. A force, on retient et ça reste. Et y’a des médicaments qui reviennent tout le temps, comme l’amoxicilline, on le délivrait par paquets, idem pour la metformine, la desloratadine, le doliprane, le wystam, le xanax, le tramadol, le diclofénac, le zyrtec, la lamalline… Et j’en oublie. Mais en gros une fois que vous avez compris le système des tiroirs, vous arrivez à retenir et à visualiser et à le faire très vite même pour une grosse ordonnance.
En réalité, mon cauchemar c’était de rentrer les mutuelles dans le logiciel. Et si le numéro de télétransmission est mal tapé, pas de remboursement de la sécu, pas d’argent, titulaire pas content. Et taper ces dix numéros c’était un calvaire épouvantable. Parfois c’était écrit tout simplement sur le papier (oh miracle !) et parfois faut faire toute une démarche sur Internet et là j’y comprenais plus rien. A la fin j’arrivais à rentrer les mutuelles seules avec les dates et tout, j’étais trop content de mes progrès mais au début c’était : « monsieur, au secours ! ». Et très aimablement, mon maître de stage venait à la rescousse.
Quant aux AME, sérieux j’en parle même pas. Une fois, oui, j’en ai rentré une, sous la dictée du 6e année, mais c’est tout. Après je les fuyais comme la peste. Dès que je voyais une AME, je préparais l’ordo et je laissais le pharmacien gérer avant de faire de grosses bêtises.
Concernant les patients, je vais pas vous mentir, on a eu de tout :
- un homme avec le nom d’un certain ennemi public numéro 1 qui menaçait de tuer tout le monde, juste comme ça (« svp monsieur calmez-vous » « je vais te tuer toi, tu sors je te tue, tu vas rien comprendre »)
- des tarés qui hurlent : « si vous n’avez pas ce médicament c’est parce que vous voulez ma MORT »
- des vieux beaufs dont le leitmotiv est « moi je paye rien »
- des voleuses de vernis à ongles, qui t’embrouillent en disant n’importe quoi et une fois que tu as le dos tourné pour regarder quelque chose un vernis disparaît et tu le vois ensuite à la caméra et tu dois le dire à ton maître de stage…
- de mecs en bande de 5-6, qui viennent, touchent à tout (préservatifs, shampoings, crèmes, gels sur gras, pansements), déplacent tout ce qu’ils peuvent tu sais pas trop pourquoi, font bien semblant de pas te comprendre quand tu leur demandes ce qu’ils désirent
- des patientes toutes gentilles qui t’apportent des sacs de clémentine et qui sont toutes aimables et délicates et qui sourient tout le temps
- un patient gay atteint du SIDA qui m’a parlé de son médecin homophobe, trop gentil
Je reconnais que je fais preuve de partialité. Mais les relous représentent en gros 10% de la patientèle, la plupart sont très poli et cherche pas les histoires. J’ai surtout servi des gens très sympas qui savaient se montrer tout à fait compréhensifs si jamais j’avais un peu de mal.
En dehors de quelques caractériels, les patients sont supers !
Je vais m’arrêter là. Je pourrai vous raconter d’autres histoires :
- comment j’en suis venu à détester les représentants de commerce (à tel point que je préfère les patients relous maintenant)
- comment j’ai maté mon maître de stage alors qu’il suait pour laver le sol, les yeux plein d’étoiles, un sourire sur les lèvres
- comment j’ai servi la mère de mon maître de stage et que j’étais hyper gêné et que j'avais envahi de disparaître
- comment je me suis fait engueulé par mon maître de stage à propos d’une mutuelle et qu’il s’est excusé le lendemain (un des moments les plus intenses et de loin)
- comment je me suis disputé avec ma conseillère et comment elle me l’a fait payer
- comment j'ai bien rigolé avec le 6e année lorsque c'était un peu tranquille et qu'on était seuls
- ...
Je pense que vous l’aurez tous compris, j’ai beaucoup apprécié cette expérience. J’ai essayé de faire part de quelque chose de concret et de réel en m’appuyant sur mon propre vécu. Forcément, c'est un peu subjectif.
N’hésitez pas à me poser des questions, via MPs si vous le désirez afin d’obtenir des précisions.
Et bravo si vous avez eu le courage de lire jusqu'au bout !